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Un assassin présumé est-il présumé innocent ?

A chaque procès médiatique, le rituel reprend : images volées d’un accusé qui se dissimule plus ou moins bien, floutage ou pixellisation plus ou moins systématiques, utilisation, elle systématique, du nom de la personne poursuivie. Décidément, la présomption d’innocence génère des comportements médiatiques étranges et erratiques.

A chaque procès médiatique, le rituel reprend : images volées d’un accusé qui se dissimule plus ou moins bien, floutage ou pixellisation plus ou moins systématiques, utilisation, elle systématique, du nom de la personne poursuivie. Décidément, la présomption d’innocence génère des comportements médiatiques étranges et erratiques.

 

Il est vrai que le régulateur de l’audiovisuel tout en se voulant un gardien sourcilleux de la « télévision de qualité » se garde bien de poser des règles précises, lui qui se borne à intégrer dans les conventions passées par les diverses chaînes de télévision quelques clauses sans portée nettement déterminée (v par ex. l’art. 9 de la convention canal + :  « Dans le respect du droit à l'information, la diffusion d'émissions, d'images, de propos ou de documents relatifs à des procédures judiciaires ou à des faits susceptibles de donner lieu à une information judiciaire nécessite qu'une attention particulière soit apportée d'une part au respect de la présomption d'innocence, c'est-à-dire qu'une personne non encore jugée ne soit pas présentée comme coupable, d'autre part au secret de la vie privée et enfin à l'anonymat des mineurs délinquants.
La société veille, dans la présentation des décisions de justice, à ce que ne soient pas commentées les décisions juridictionnelles dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance.
Lorsqu'une procédure judiciaire en cours est évoquée à l'antenne, la société doit veiller à ce que :
- l'affaire soit traitée avec mesure, rigueur et honnêteté ;
- l'émission ne se substitue pas à l'instruction en cours et ne trouble pas le déroulement normal de la justice ;
- le pluralisme soit assuré par la présentation des différentes thèses en présence
 ».

 

Au sein de cette clause, la stipulation selon laquelle « une personne non jugée ne soit pas encore présentée comme coupable », pose des difficultés redoutables pour nos brillants journalistes de télévisions, notamment sur la manière dont doit être désignée cette personne. Ainsi, ils paraissent croire que l’expression « le meurtrier présumé » est de nature à protéger la présomption d’innocence alors que si elle met en œuvre une présomption, c’est bien un e présomption de culpabilité.

 

De même, les prudences des commentaires sont parfois contredites par les ellipses des titres, ainsi le « présumé braqueur » est arrêté, nous explique un article, mais le titre est plus lapidaire : « le braqueur écroué ».

 

Dans un genre différent, la présomption d’innocence peut constituer une allusion a une bien étrange forme de culpabilité. On trouve ainsi dans un grand quotidien paraissant le soir (et dans bien d’autres), cette étonnante locution : « un islamiste présumé ». Qu’est ce à dire ? A-t-on jamais entendu parler d’un « catholique intégriste présumé », ou d’un « protestant fanatique présumé » ? Non, bien entendu, mais c’est que l’islamisme, par les temps qui courent, n’est pas loin d’être un chef d’incrimination et nos journalistes, dont la plume est rapide, se laissent parfois aller à ces raccourcis qui éclairent mieux que de longues analyses les peurs de notre société.

 

J’aurais évidemment une proposition pour éviter ces mises en cause larvées de la présomption d’innocence : pas de noms, pas d’images permettant d’identifier un individu, tant qu’il n’a pas été jugé (je serais tenté d’aller jusqu’au « définitivement »). Et pas d’autres expressions que « accusé », qui est déjà bien lourd à porter. Mais évidemment, cela enlèverait du piquant à nos journaux télévisés ou radiodiffusés qui ne sont plus, sauf en période coupe du monde, qu’une longue litanie de faits divers judiciaires.

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