Le gouvernement vient de reconnaître que le « droit au logement opposable » ne sera qu’un faux semblant
Le projet de loi sur le « droit opposable au logement » n’est pas encore finalisé que le Ministère de l’emploi et de la cohésion sociale a déjà fait en sorte de vider ce droit de sa substance.
Il en a fait l’aveu au cours de la réunion qui s’est tenue jeudi 11 janvier devant le Conseil supérieur des Tribunaux administratifs qui devait donner son avis sur le projet de la loi Pinel (https://www.loi-pinel.fr/, avis rendu nécessaire par le fait que le texte institue une nouvelle procédure devant ces tribunaux).
Face aux magistrats qui s’interrogeaient sur les moyens qui leurs seraient alloués pour assurer cette nouvelle mission, dont ils craignaient qu’elle ne leur donne une charge de travail importante, le représentant du ministère c’est prononcé en ces termes (qui sont rapportés dans le compte-rendu qui en a été mis en ligne par L'union syndicale des magistrats administratifs qui siège dans ce conseil) :
« Le ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement a précisé que le recours au juge ne devait être qu’ultime. La commission de médiation devra jouer un rôle de filtre ; notamment, les intéressés ne seront pas reconnus prioritaires sur n’importe quel logement. Et si un mal logé refuse un logement qui lui a été accordé, le juge devra lui faire comprendre qu’il n’a pas un droit absolu à un logement ».
Il y a dans cette déclaration (qui a soigneusement été passée sous silence dans la communication ministérielle à destination du grand public et des acteurs sociaux) trois informations et un aveu.
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Trois informations tout d’abord :
1°) La « commission départementale de médiation », qui statuera sur des demandes de sans-logis ou de mal logés disposera d’un pouvoir discrétionnaire très important. Si elle refuse de déclarer un dossier prioritaire, le juge ne pourra pas être saisi.
2°) Cette même commission ne déclarera pas un dossier prioritaire « dans l’absolu » mais uniquement par rapport à certaines catégories de logements (ou de « structures adaptées »). Autrement dit, si la commission dit à sans abri, qu’il n’a le droit qu’à une place en structure adaptée il ne pourra pas demander au juge l’accès à un « logement ».
3°) Enfin, les représentants du ministère prennent soin de souligner que le sans abri ou le mal logé n’aura pas de pouvoir de contester ou de refuser le logement attribué. Là encore, il ne pourra pas saisir le juge. Peu importe s’il se trouve à l’autre bout du département, par exemple. Ainsi, ce fameux droit opposable ne sera pas « un droit absolu » ce sont les mots mêmes du représentant du ministère.
Et un aveu implicite.
Comme je l’ai dit, cette intervention du ministère a lieu en réponse à l’interrogation des magistrats qui s’interrogent sur les moyens mis à leur disposition pour remplir cette nouvelle mission. Et elle fait donc passer le message implicitement mais pourtant clairement : ne vous inquiétez pas, l’application du droit opposable au logement ne vous donnera pas trop de travail !.
Autrement dit encore, malgré le nombre de sans logis et de mal logés en France, malgré la pénurie de logements, le juge ne sera pas fréquemment saisi.
On ne pouvait pas mieux dire que le projet de texte ne constitue qu’un faux semblant de « droit opposable ».
En quittant un instant les logiques du juriste pour adopter celles du citoyen, je dois dire que je suis profondément choqué par ce double langage et les faux espoirs qu’il a fait naître parmi les mal logés. Et je suis également très inquiet devant l’aggravation du discrédit du politique qui en résultera nécessairement.